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Arrestation de l’ancien chef d’état-major, İlker Başbuğ

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L’ancien chef d’état-major (2008-2010) de l’armée turque, İlker Başbuğ, a été placé en état d’arrestation après 7 heures d’interrogatoires, le 5 janvier dernier, à Istanbul. L’ex-commandant en chef de l’armée turque est accusé d’avoir été à l’origine de la création de 42 sites internet de propagande, hostiles au gouvernement de l’AKP, au PKK, ainsi qu’aux communautés grecque et arménienne de Turquie. Ce n’est pas la première fois qu’un militaire de haut rang est arrêté en Turquie, mais c’est la première fois qu’un ancien chef d’état-major se retrouve en prison.

İlker Başbuğ avait accédé aux plus hautes fonctions militaires en août 2008 (cf. notre édition du 13 août 2008). À la différence du général Hilmi Özkök, qui s’était distingué par sa modération dans ses rapports avec le gouvernement de l’AKP entre 2002 et 2006, mais comme son prédécesseur le général Yaşar Büyükanıt (2006-2008) qui avait tenté d’empêcher l’élection d’Abdullah Gül à la présidence de la République, il avait la réputation d’être «un dur». En 2007-2008, en qualité de commandant en chef de l’armée de terre, il avait dirigé les opérations militaires contre le PKK dans l’est du pays et en Irak du nord, et s’était signalé à l’attention des médias en qualifiant les élus kurdes de la ville d’Hakkari, qu’il soupçonnait de connivence avec le PKK, «de microbes devant être nettoyés». Son arrivée à la tête de l’armée turque était intervenue au moment où la hiérarchie judiciaire venait de tenter de faire dissoudre le parti majoritaire par la Cour constitutionnelle. Dans le sillage de ces tensions extrêmes, il n’est pas étonnant que le mandat d’İlker Başbuğ se soit traduit par une suite interrompue de confrontations avec le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan.

Le général Başbuğ essayera pourtant d’inaugurer sa prise de fonctions en évitant de sur-réagir aux événements politiques, à la différence de ce qu’avait fait son prédécesseur pendant la crise présidentielle de 2007. Il esquissera aussi des mouvements d’ouverture parfois étonnants, comme celui qui, devant l’académie militaire, en avril 2009, le verra plaider pour qu’on ne parle plus de «peuple turc» mais de «peuple de Turquie», cette mise au point entendant signifier qu’une telle entité n’est pas simplement composée de Turcs mais aussi d’Arméniens, de Grecs ou de Kurdes (cf. notre édition du 20 avril 2009). Toutefois, en dépit de ces gestes de bonne volonté, de sa réputation de fin stratège et de sa posture d’homme de glace, le général Başbuğ n’allait cesser d’être déstabilisé par les vagues d’arrestations frappant des militaires dans l’affaire Ergenekon, et par les révélations du journal Taraf dénonçant des bavures ou des coups tordus de l’armée.

Après la mise au jour du «plan d’action contre la réaction», en juin 2009, sa position allait devenir intenable (cf. nos éditions des 16 juin et 17 juin 2009). Contraint d’accepter une réforme de la justice militaire soumettant les personnels de l’armée au droit commun, et poussé dans ses derniers retranchements à l’occasion de multiples autres affaires afférentes dénonçant des manœuvres de l’armée pour déstabiliser le gouvernement, dont celles des sites de propagande sur internet qui l’a rattrapé aujourd’hui pour le conduire derrière les barreaux, il verra sa confrontation avec le gouvernement atteindre son paroxysme, en janvier-février 2010, au début de l’affaire Balyoz, après l’arrestation d’une quarantaine de militaires de premier plan. Alors qu’une déclaration de l’état-major qualifiait la situation de «sérieuse», le président Abdullah Gül l’invitera à Çankaya en compagnie Recep Tayyip Erdoğan, pour tenir une rencontre au sommet destinée à calmer les tensions ambiantes entre le pouvoir civil et l’autorité militaire, après ce qui fut sans doute l’un des derniers grands barouds d’honneur de l’armée turque pour signifier ce qui lui restait d’influence politique (cf. notre édition du 26 février 2010).

Il faut reconnaître qu’au cours de ses deux ans de commandement, le général Başbuğ a toujours soutenu ses collaborateurs impliqués dans des affaires judiciaires. Alors même qu’il y fut incité par le gouvernement à plusieurs reprises, il n’a jamais lâché ses subordonnés et n’a cessé de résister pied à pied aux procédures engagées contre eux. Il paye peut-être aujourd’hui cette obstination et son attachement à une conception dépassée des relations entre l’armée et le pouvoir politique. Pourtant, il n’est pas le seul chef d’état-major à avoir des soucis judiciaires actuellement. Il y a quelques jours une procédure a été ouverte à l’encontre le général Kenan Evren (âgé aujourd’hui de 94 ans), qui était chef d’état-major au moment du coup d’Etat de 1980, et qui est accusé d’avoir «intentionnellement voulu porter atteinte au parlement en lui demandant de se dissoudre et de cesser d’exercer les compétences constitutionnelles qu’il détenait». Le prédécesseur d’İlker Basbuğ, Yaşar Büyükanıt, impliqué dans l’affaire de Şemdinli avant même son accession aux plus hautes fonctions, est cité, quant à lui, dans plusieurs affaires en cours, et certains estiment même qu’il pourrait avoir à répondre de la rédaction du fameux e-mémorandum publié par l’armée sur son site internet afin d’intimider le pouvoir politique, au soir du 27 avril 2007.

En tout état de cause, alors même que l’état-major semble avoir perdu la partie politique depuis un certain temps déjà, l’arrestation du général Başbuğ est aussi révélatrice des transformations que connaît actuellement l’institution militaire en Turquie. Tandis qu’une professionnalisation des forces armées et une réduction de la durée du service militaire sont à l’ordre du jour, l’épuration de la vieille garde apparaît comme un symbole. Dans un Moyen-Orient en pleine recomposition stratégique, la nouvelle armée turque soumise désormais au pouvoir politique est appelée à servir une politique étrangère active et un programme d’armement ambitieux. Elle se serait d’ailleurs définitivement extraite de problèmes intérieurs qui l’ont naguère par trop absorbée, si la question kurde avait pu trouver une solution. Malheureusement ce n’est pas le cas, et le leader du CHP, Kemal Kılıçdaroğlu, estimait même que les récents développements intervenus dans le sud-est du pays sont peut-être aussi derrière l’arrestation du général Başbuğ qui viserait dans le contexte actuel à faire oublier les interrogations encore sans réponse du drame d’Uludere (cf. notre édition du 31 décembre 2011). Pour sa part, le président de la République, qui était hier en déplacement à Düzce, un département turc riverain de la mer Noire, a commenté l’événement de façon neutre en disant que «nul n’est au-dessus des lois» et que cette arrestation ne présume pas de la culpabilité du général Başbuğ «qui a droit à la présomption d’innocence.»

JM


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